Quand certains écrivent au Père Noël...
D'autres prennent la plume pour plonger dans le passé !
Cher Monsieur de Toulouse-Lautrec,
Je vous écris en ce soir de camaraderie scribouilleuse pour vous confier toute mon admiration, tous mes espoirs, tous mes rêves, toutes mes désillusions. Oui, je sais, le sac peut être un peu lourd et nous ne nous connaissons pas. Quoique... Nous nous sommes croisés il y a fort longtemps, dans une autre vie, au Lapin Agile. Cette bâtisse aux murs roses défraîchis en a vu de toutes les couleurs, sur les côteaux de la Butte Montmartre. Vous souvenez-vous ? L'ami Vincent à vos côtés, jovialement entourés d'une ribanbelle de femmes canailles, chantantes et la gouaille alerte. Un sourire béat sur votre trombinette si particulière, la main leste sur le jouflu des filles, vous étiez chez vous. Vincent lui était loin dans son monde, le nez piqué dans son refuge embrûmé. Dans un joyeux brouhaha, les pieds des grandes tablées raclent le sol, les verres s'entrechoquent, les chansonniers déclament d'une voix pleine de trémollos parigots. Les rires explosent et rebondissent de partout, les jupons s'envolent, les marches de l'escalier craquent sous le pas d'un couple improvisé.
Quelle belle nuit !
Je vous écris, Monsieur de Lautrec pour vous rendre enfin le baiser que vous m'avez volé entre deux absinthes vertes, chenapan que vous étes ! Ce soir-là, dans ce vol au-dessus des verres, quand vos lèvres ont touché les miennes, vous m'avez transmis plus que des vapeurs d'alcool. Oui cher Henri, aujourd'hui c'est moi qui suis entourée d'un aréopage de jolis tendrons aux fesses callipyges, aux cuisses blanches et fermes. Et je vous entends rire dans ce grand éclat de gaieté triviale, vos yeux pétillent déjà. Mes filles ornent l'antichambre de mon atelier, la relève est assurée. Elles dansent le cancan sur mes murs, chantonnent des vieilles rengaines d'autrefois, papotent ou se chipotent, lèvent haut la cheville. Vous aimeriez bien balader vos mains et vos pinceaux, je vous l'entends dire. Prenez un siège, petit monsieur et trinquons à ce qui nous fait vibrer, la couleur. Et à plus encore que cela. Voyez, de vous causer de nos badinages et déjà j'ai oublié le plus lourd...
Vous étes un enchanteur, Monsieur de Toulouse-Lautrec, mon Merlin à moi. Et gardez vos mains où elles sont, à gratter la toile, coquin !
Lettre écrite un soir de septembre...
Cabaret "Le Lapin Agile", Montmartre
Le coup du cigare
Une petite toile sur les murs du Petit Zinc à Annecy. A adopter.